Les Italiens...

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Chauds, puissants mais délicats, un peu racoleurs mais au fond on aime bien ça, et incroyablement romantiques, presque exotiques… Ils se revendiquent régulièrement comme les meilleurs du monde, et en tout cas les champions d’Europe… Qui sont-ils ?

Les vins italiens évidemment…

Vu mon penchant naturel pour la culture latine, et enfin débarrassée de mon vieil amant bordelais (et Bacchus sait combien Bordeaux et Chianti rivalisent de testostérone…), je n’hésite pas une seconde lorsque j’apprends que le Gambero Rosso Top Italian Wines Road Show fait escale à Paris.

Je salive déjà à l’idée de déguster une série délicieuse de vins du sud, pleine d’espoir de découvrir, peut-être, des vins du soleil construits avec finesse.

Je décide de partir à la recherche de  vins légers, peu boisés, fins, délicats et équilibrés, et tout cela dans les bras bien musclés du terroir Italien.

Est-ce une mission impossible ?

Lorsque j’arrive dans une immense salle pleine à craquer de Latins bien échauffés, je dois bien me rendre à l’évidence : j’ai presque perdu la main. J’avais oublié les odeurs vineuses des dégustations, l’air surchargé de vapeurs, les producteurs épuisés, légèrement avinés, les attachées de presse énervées et le vin… en vrac sur des dizaines de tables.

Etape n°1, le verre d’eau.

Les professionnels me regardent de biais, sachant naturellement qu’il ne faut pas juger un moine à son habit, mais se demandant ostensiblement ce que je fous là.

Il faut commencer à goûter au plus vite, sous peine d’être étiquetée « touriste».

Je me fonds dans un petit attroupement, qui semble être le stand des vins Siciliens. Ah… la Sicile... Deux hommes nous offrent un petit exposé sur leur  vin, et essayent simultanément de parler plus fort l’autre, et paraître plus savant que le voisin. Voilà un bel exemple de l’entente franco-italienne, à qui se fera plus remarquer que l’autre.

À ma grande surprise, je dégote un vin blanc sec, le Cometa Siglia IGT 2008, dont le nez fruité me fait décoller vers cette terre du sud. Une légère déception en bouche, mais la finesse l’emporte, et c’est ce que je recherche aujourd’hui. Puis, les rouges : le Serra Della Contessa Etna Rosso DOC 2004 est trop jeune, et tombe dans le cliché que je repousse : trop puissant et tannique. Le Mandrarossa Carthago Sicilia IGT 2006, mentholé, voire pétrolé, me laisse indécise. Me voyant pantoise, le Monsieur Français, qui jusqu’à maintenant, parle le plus fort, m’apprend qu’il s’agit d’un cépage typiquement Sicilien : le Nero d'Avola. Un bel autochtone, ma foi.

Continuons. L’Harmonium Sicilia IGT 2006 est un joli vin moderne, jeune italien de la hype, très fruité au nez, s’avérant corsé en bouche, mais également  équilibré. 100% Nero d'Avola comme son précédent, il me surprend donc beaucoup ce Néro.

Puis, le Nerobaronj Nero d’Avola Sicilia IGT 2005. Il provient, selon l’ami Italien qui a repris le dessus sur son comparse Français, manifestement en extinction de voix, du terroir où sont cultivées les délicieuses, et si sucrées, tomates cerises. Je le trouve pour ma part trop alcooleux . Ce Nero d'Avola offre décidemment de multiples  facettes!

Encore un Nero d'Avola, le Rosso Del Cont Contea Di Sclafani 2005 me renvoie au cliché de l’Italien puissant, très riche, et épicé. Indiscutablement pas ma tasse de thé, si je puis dire.

Mais c’était sans compter sur le Deliella Nero d’Avola Sicilia IGT 2006, encore un Nero d'Avola qui me réserve des frissons : on y retrouve le chocolat, et une intensité, et il faut bien le dire, unique à l’Italie.

Et notre hôte italien, qui parle toujours très fort, et, au passage, parfaitement français, nous informe que nous changeons de cépage. Nous allons goûter des vins à base de cabernet, syrah et grenache. « Ahhhh ! entend on dans l’assemblée, enfin des cépages de chez nous ! » Je note l’ouverture d’esprit française, qu’Umberto (l’homme qui parle fort) ne manque pas de rabrouer. Eh bien non, figurez vous. Tous les pays producteurs ne font que voler les cépages étrangers, et changer leurs noms avec une consonance du cru. Ainsi le consommateur est convaincu qu’il s’agit d’un cépage autochtone.

En d’autres termes, prenez Umberto, appelez le Robert, et il deviendra français. Pas mal non ?

Ah bon ? s’insurge le petit groupe assidu que nous sommes. Chacun regarde son voisin en biais et pense très fort : mais à qui a-t-on affaire ici ?

Et un point pour l’Italie, qui ne va pas sans faire la fierté d’Umberto.

Passons donc au syrah. Pour ma part, je n’ai toujours pas trouvé d’âme sœur dans le cépage du Syrah. J’ai beau demander à mes amis des Côtes du Rhône de me faire découvrir la perle rare, rien n’y fait. Alors, les Italiens, si forts et si beaux, y arriveront-ils ?

Eh bien pas cette fois en tous cas, car le Solinero Syrah Sicilia IGT 2005 ne marquera pas mon palais. Malheureusement, en voilà encore un qui a plus de corps que d’âme.

Un Cabernet arrive, vinifié de façon tellement internationale (entendez boisé et fruité) que sa race Latine est presque indécelable. International, vous dites ? Ohhh ! s’exclame l’assemblée, sur un ton agacé. Ne serait-ce pas, par hasard, pour le marché américain ? Et si, nous apprend notre gourou français, qui a repris le dessus, et s’est aviné le gosier pour reprendre du coffre. Le Noa Sicilia IGT 2006 est effectivement adapté à la demande américaine. Je m’étonne toujours des réactions  anti-américaines primaires dans ce type de situation, car au final, heureusement qu’ils boivent du vin les Américains, car sinon, qui boirait les milliers d’hectolitres Européens ?

Suivant : le Cabernet Sauvignon Marchese Di Villamarina 2004 me réjouit, car il démontre une belle finesse malgré son jeune âge, et sa légère note verte disparaîtra probablement avec l’âge.

Enfin, la grenache du Turriga Isola Dei Nuraghi, tanique et puissant, qui reste pour moi dans  la catégorie des clichés Siciliens.

Pour clore mon aventure sicilienne, je déguste un Muscat appelé Ben Ryè Passito Di Pantelleria 2008, provenant d’une petite île volcanique, bien connue pour abriter quelques people viticulteurs. Ou viticultrices plus précisément. En tout état de cause, la couleur de ce vin est sublime. D’un jaune doré très soutenu, il promet des émotions fortes en bouche. Umberto a repris du service, et nous apprend que sur cette île, le vent iodé souffle continuellement, ce qui apporte au nectar finesse et équilibre. Effectivement, je découvre en bouche des saveurs exquises de pêche, de figue, d’abricot, un abricot mûr, sucré et tellement puissant que je peux le visualiser. Quel bonheur en plein hiver… La légère acidité et la petite amertume laissent présager une belle maturation à venir.

Buvez du Muscat italien chers amis, c’est exquis.

Tu en veux encore ? Moi ouiiii !

Je chope Umberto par le coude, et lui explique que, c’est bon, je suis convaincue par les vins de Sicile. Mais ce que je souhaite vraiment, c’est tester des vins plus rustiques, comme ceux des Pouilles, et voir si l’on peut retrouver finesse et équilibre sur ces terroirs premiers.

Eh eh… Umberto aime le challenge, et m’emmène (adieu attroupement…)  goûter en privé trois vins des Pouilles. Il décide de me faire goûter  un vin traditionnel et « rustique  comme vous dites ma petite dame » (clin d’œil d’Umberto), puis un vin moderne (comprenez adapté au marché de l’export), et enfin un vin délicat, « dont vous me direz des nouvelles ma petite dame » (re-clin d’œil d’Umberto). Ces Italiens ne peuvent pas s’empêcher de vous draguer. C’est dingue quand même non ? Mais bon, j’avoue j’aime bien ça… le vin italien…

Bref, revenons à nos Pouilles. N°1, le traditionnel : un Cantalupi Conti Zecca Salice Salentino Rosso Riserva 2006 issu d’un assemblage des cépages Negroamaro et Malvasia Nera. Il me renvoie des saveurs de terre, qui ne sont pas sans me déplaire. Puis, le « moderne », un Selvarossa Salice Salentino Rosso Riserva 2006, qui porte effectivement fortement sur les arômes de fruit, et, disons le sans complexe, est  typé « nouveau monde ». Le cépage « traditionnel » Negroamaro a bien évolué ! Umberto en profite pour me rappeler avec un divin accent qu’en Italie, le cépage est au service de la terre. J’ajoute qu’en l’occurrence, le dernier vin goûté démontre que le cépage peut aussi être au service des techniques œnologiques. C’est vrai, me répond-il, mais tout le monde gagne à ce que des vins soient adaptés aux goûts du consommateur. Il a tellement raison !

Enfin, le dernier vin des Pouilles, celui dont je dois vous donner des nouvelles, s’appelle Vigna Pedale Castel Del Monte Rosso Riserva 2006, du cépage Nero di Troia. Bingo ! Voilà un italien qui a su me prendre dans ses filets. Ce vin est tout ce que j’aime, merci Umberto. Très fin, ses tanins sont puissants mais vont se fondre avec l’âge. Soyez assurés que celui-ci fournira ma cave sous peu.

Umberto prend congé, me laissant le palais en émoi.

Et pour finir sur une note de plaisir, je vous recommande un dernier vin, que j’ai dégoté avant de quitter cette enclave Italienne à Paris. Le vin de Calabre Duca Sanfelice Ciro Rosso Riserva 2007 me semble être une belle conclusion. Il cristallise à lui seul ce que je recherchais en Italie méridionale : une couleur rubis délicate, complètement différente des tons sombres et opaques des vins traditionnellement dits « du sud ». C’est un vin fruité et délicat, délectable vin de soif, dont on peut finir la bouteille avec son amoureux ou sa meilleure amie sans mourir d’une migraine le lendemain. Un vin abordable, issu du cépage Gaglioppo, et élevé sur les hauteurs Calabraises, ce qui explique probablement sa finesse, sa rondeur, et son taux d’alcool moins élevé.

La légende dit que les athlètes calabrais buvaient ce vin pour célébrer leurs victoires lors des Olympiades antiques, et il n’en faut pas plus pour me laisser rêveuse…

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